• Prologue

         Un paysage champêtre, un soleil couchant, une brise légère… Ce pourrait être la fin d’une épopée héroïque. Il ne manque au tableau que le fier héros s’en allant vers l’horizon, chevauchant sa monture. En y réfléchissant, c’est vraiment une étrange habitude qu’ont les héros. Là où les gens normaux plantent leur tente et essayent d’allumer un feu pour faire cuire de quoi manger, eux continuent à avancer vers on ne sait où. Quand on vient d’accomplir toute une série d’exploits, chercher du petit bois dans le noir et monter un campement dans les mêmes conditions, ça doit faire figure d’agréable routine. Les héros ne sont pas des gens ordinaires.
        Cela dit, nous n’en sommes qu’au début de notre histoire et aucun destrier ne semble vouloir amener d’hypothétique cavalier vers une destination lointaine et nocturne.
    En survolant le paysage, on aperçoit de nombreuses petites parcelles de culture maraîchères, espacées les unes des autres. Elles entourent un petit village. De loin en loin, d’autres villages similaires ponctuent la campagne.
        Les couleurs épousent toutes les nuances du vert. En cette fin de printemps les fleurs ont quitté les arbres pour s’épanouir dans les prairies.
        Si l’on se rapproche du sol, on aperçoit les paysans qui se dirigent par petits groupes, le long des chemins, vers leurs habitations. On pourrait se croire revenus au moyen âge en Europe. Un moyen-âge idéalisé où les maisons semblent en bon état et ne dégagent aucune impression de pauvreté.
        Un peu plus près encore, la situation devient beaucoup plus surprenante. Les hommes portent des vêtements rustiques mais propres, jusque là rien d’anormal, mais leur aspect nous semblerait pour le moins étonnant. La petite foule qui se forme progressivement sur la place centrale est pour le moins cosmopolite. Il y a des hommes de toutes sortes. Des blancs, des noirs, des jaunes, certains sont couverts de pelages aux motifs variés, d’autres encore portent des écailles. Les femmes, elles aussi, affichent cette diversité. Les couples semblent d’ailleurs s’être formés indépendamment des races en présence. Les enfants courent dans les pattes de leurs parents avec entrain.
        Plus étrange encore, les animaux se mêlent aux discussions. La plupart portent des baudriers sur le corps qui leur permet de saisir dans leur gueule différents outils adaptés à leur morphologie. Certaines maisons semblent leur être destinées.

        Un peu à l’écart, les enfants dont les parents ne sont pas encore rentrés jouent sous les arbres. Ces derniers ploient leurs branches afin de leur dispenser force caresses. En retour les enfants les câlinent ou les embrassent sur le tronc en riant de la voix flûtée qui est le propre de leur âge.
        Des ouvriers quittent le chantier d’une maison en construction. Parmi eux, des chiens des hommes et des singes plaisantent aimablement tout en rejoignant le reste des habitants.
        Quelques nuages au loin semblent présager une petite pluie pour la nuit ou le lendemain, mais l’absence de vent rend cette ondée lointaine.
        La météo alimente toujours les conversations. Mais comme les prédictions sont devenues, avec le temps, de plus en plus précises, on a cessé de s’en plaindre et on planifie comment s’en accommoder.

     

     

    ***

     


        Les enfants, pour la plupart n’aiment pas rester longtemps à table aussi sont-ils servis les premiers. Une fois leur repas achevé, le couvert est remis sur les longues tables extérieures pour que les adultes puissent se restaurer à leur tour.
        La journée est finie, il est temps de profiter les uns des autres, mais il reste une tâche à accomplir pour Anthonius le conteur. A peine a-t-il fini son dessert que les enfants accourent dans sa direction. Il est temps de raconter la traditionnelle histoire du soir.
        Le conteur n’est pas exactement un professeur. Son travail consiste plus à donner envie de savoir qu’à enseigner véritablement. Bien sûr les gens de cette profession sont fort savants, dans des domaines très variés, mais là n’est pas l’essentiel. Encore faut-il susciter la curiosité, faire désirer ce savoir. C’est tout l’art du conteur. Il sait s’adapter aux personnalités diverses pour enseigner selon les besoins et les facilités de chacun. Mais, tout différents qu’ils soient les uns des autres, aucun enfant ne louperait l’histoire du soir. Le conteur y révèle une page de l’histoire du monde.  Préhistoire, antiquité, moyen âge, renaissance, ère moderne, transition, ère d’harmonie, toutes les périodes peuvent être évoquées. Au premier rang, les plus petits découvrent ces histoires pour la première fois et trépignent d’impatience. Les parents viendront  rejoindre leur progéniture un peu plus tard, quand ils auront fini de débarrasser et de discuter.

        Les conteurs disposent d’une mémoire parfaite. Leur formation débute par l’acquisition de cette capacité. Les jeunes qui décident de s’engager dans cette voie ont un an pour se rétracter. Une fois ce délai écoulé, ils reçoivent cette capacité de façon irréversible et deviennent des éponges à connaissance jusqu’à la fin de leur vie. Dans tous les villages, un terminal informatique est installé afin qu’ils puissent continuer à s’instruire. Ceux qui vivent dans les villes passent un temps considérable dans les bibliothèques. Un conteur, d’une manière générale, est une mine de savoir, mais un vieux conteur est un puits sans fond. On peut y puiser des quantités infinies sans jamais qu’il se tarisse.
        Anthonius fait partie de ceux-là. Ses cheveux et sa barbe, d’un gris uniforme, se confondent sur sa chemise, témoignant de sa longévité et donc de sa valeur.
        Progressivement, la densité d’enfants au mètre carré augmente, le forçant à se lever pour se diriger vers le vieux pommier auquel il a pris l’habitude de s’adosser lors de sa prestation vespérale.
        Les plus grands des enfants filent alors vers la pépinière pour traîner les chariots des scions adolescents.

        Parmi les végétaux, seules trois espèces ont accepté le don de la parole. Les chênes, les pruniers et les fougères. Les fougères naissent en des lieux aléatoires, là où le vent a déposé leurs spores. Elles désiraient pouvoir discuter avec leurs consœurs au milieu des bois. C’est toujours un spectacle charmant que de voir leurs troncs se dégonfler et leurs feuilles frémir au gré de leur élocution. Les pruniers, quant à eux, désiraient pouvoir avertir par la voix quand leurs fruits étaient mûrs afin qu’ils ne pourrissent pas à leur pieds. Cela dit, leur goût légendaire pour les blagues les plus douteuses n’est sans doute pas étranger à leur décision. On imagine mal un prunier se privant de la parole et donc d’un calembour. Les chênes, enfin, désiraient tout simplement faire partie de la communauté. Les autres arbres, quand le choix leur a été proposé, ont dédaigné le don de la parole et ont opté pour une mobilité réduite, plus compatible avec la dignité du grand rêve végétal. Ils s’expriment par de subtiles mouvements des branche. Le plus simple d’entre tous étant un « toutes branches en haut » pour un non, ou un « toutes branches en bas » pour un oui.
        Certaines communautés ont des fougères en pot, mais dans la pépinière du village il n’y a que des fruitiers et des chênes. A l’adolescence, ils commencent à s’éveiller au langage et apprécient que les enfants les sortent sur des chariots pour qu’ils se mêlent aux villageois animaux. Lors du rite de passage à l’âge adulte ils seront plantés où ils désireront et n’en bougeront plus jusqu’à leur mort.
        Les chênes qui décident de devenir conteurs sont souvent très appréciés. Déjà ils vivent très vieux, ne dorment jamais, ne risquent pas de partir dans un autre village s’ils tombent amoureux, et en plus ils font de l’ombre. Les cochons trouvent à leur enseignement un bonus alimentaire qu’ils apprécient ouvertement.

        Alors que les derniers arrivants s’installent, Anthonius s’adosse confortablement au tronc de son ami qui en frissonne de plaisir.


    « Les enfants, savez vous pourquoi je m’adosse ici chaque soir ?
    - Bah c’est ta place.
    - Je n’y suis pas le reste de la journée et je n’en ai jamais chassé qui que ce soit. Pourquoi penses-tu que c’est ma place ?
    - Tu te mets toujours là.
    - Je m’y met pour une raison précise : les arbres entendent à travers leur écorce. En me plaçant ainsi, près du tronc de mon ami pommier, je suis sûr qu’il ne loupera pas une miette de l’histoire de ce soir. Depuis le temps qu’il m’écoute il doit en connaître certaines par cœur. S’il pouvait parler je suis certain qu’il pourrait me remplacer haut la main. N’est ce pas ? »

        Un frétillement de rire agite les hautes branches, aussitôt suivi par ceux des enfants. Il est rare de voir un arbre d’un âge aussi vénérable se conduire de façon aussi puérile.

    Une petite voix s’élève au premier rang, un tout jeune chiot :
    « Pourquoi il ne parle pas ?
    - Ca c’est une bonne question. Avant que la communauté ne soit fondée, les différentes races ne communiquaient pas entre elle. Régulièrement, de nouvelles espèces sauvages sont modifiées génétiquement pour prendre conscience d’elles même et pouvoir s’exprimer. Quand elles ont atteint un niveau de conscience suffisant, il leur est proposé de rejoindre la communauté en tant que membre et de conserver ou non les dons qui leur ont été faits. Les pommiers ont choisi de faire partie de la communauté, ils doivent donc contrôler leurs naissances. En revanche ils n’ont pas souhaité garder le don de la parole. Je suis sûr que celui qui est dans mon dos regrette le choix de ses ancêtres. »

         A ces mots, toutes les branches se baissent sauf celle du sommet qui frétillent de plus belle, déclenchant un nouvel éclat de rire parmi l’assemblée.

    « Ce soir je vais vous raconter une histoire que vous entendrez souvent. Les plus grands la connaissent déjà, mais je suis certain qu’ils l’écouteront à nouveau avec plaisir. Vous voyez de laquelle je veux parler ?
    - Les premières fourrures ?
    - Tout à fait. Les premières fourrures. A cette époque, les hommes étaient les seuls à pouvoir accomplir cette prouesse : transformer un être vivant en autre chose.
    - Mais pourquoi ont-ils eu cette idée ? Les hommes étaient méchants à cette époque pourtant.
    - Ils n’étaient pas méchants, ils étaient “plus jeunes”. Aucun des membres de la communauté telle que nous la connaissons ne reconnaîtrait ses ancêtres de cette époque sans un profond sentiment de honte. Les hommes avaient juste un peu plus conscience d’eux mêmes que les autres, c’est tout. Ce n’était malheureusement pas suffisant. Ils se battaient entre eux et faisaient preuve d’une grande violence et d’une faible compassion.
    - Mais alors pourquoi ils ont créé les fourrures ?
    - Etrangement, c’était à cause de leur sens très particulier de la compassion. Ils les ont créés pour les tuer.
    - Mais c’est affreux !!!
    - A l’époque leur médecine était pour le moins rudimentaire. Pour soigner les gens il arrivait qu’on doive leur faire des greffes. On prenait des bouts de personnes, qui venaient juste de mourir le plus souvent, pour remplacer les morceaux abîmés des malades.
    - C’est horrible !!! Pourquoi ils ne faisaient pas repousser les organes malades ?
    - Ils ne savaient pas le faire. On a appris bien plus tard. Pour en revenir aux greffes, il y avait un souci important : on ne pouvait pas prendre les morceaux de n’importe qui pour les mettre sur une autre personne. Il fallait que le donneur et le receveur soient compatibles. Malheureusement cette compatibilité était rare et de nombreux malades mouraient faute de donneur. Les hommes ont alors eu l’idée de créer des animaux totalement compatibles et de leur donner une forme humaine.
    - Ils n’avaient pas d’autre moyen ?
    - L’autre méthode c’était de remplacer ce qui ne marchait pas par des organes ou prothèses mécaniques. On appelait ces être humains, réparés ou améliorés par des moyens mécaniques, des cyborgs. Notre histoire commence d’ailleurs avec l’un de ces cyborgs… »

    « BienvenueChapitre 1 : Monsieur Duncan »

  • Commentaires

    1
    mikaroman Profil de mikaroman
    Vendredi 16 Septembre 2011 à 10:40

    Et voilà c'est reparti.

    Désolé pour l'attente.

    2
    Marquise de Miaoucha
    Vendredi 16 Septembre 2011 à 18:59

    Ah enfin ! !! Il était temps !! (en plus, je n'avais plus de nouvelles )


    Hormis les nombreuses fautes (je vois que tu ne te relis pas toujours ! ), ce début de roman est très alléchant. On est tout de suite dans l'ambiance, et projetés dans une époque qui semble bien lointaine.


    Le paragraphe sur les arbres est drôle et poétique en même temps.


    Une petite remarque de lectrice : au tout début tu décris quelques personnes d'aspect très différents, humains, animaux...mais pas pour les enfants. Il faudrait peut-être ajouter quelques mots, très peu, décrivant quelques enfants. Sinon, notre esprit humain étriqué ne "voit" que des enfants humains autour du conteur.


    Ce qui est bien dans ce premier chapitre, c'est qu'on ne sait pas où tu vas nous emmener : un conte merveilleux, un futur idyllique, ou au contraire de la science-fiction pure et dure...Vivement la suite !


    Je te liste ici les fautes que j'ai trouvées, mais pour la suite, ma proposition faite il y a quelques mois tient toujours !


    gueulle -> gueule
    afin de leur dispenser forces caresses-> dans cette expression, on écrit "force caresses" car force signifie "beaucoup de"
    fluttée -> flûtée
    gens de cette professions sont forts savants->fort savants et pas de s à profession
    C’est tout l’art du conteurs->conteur
    Ils sait s’adapter ->Il
    Mais, tous différents qu’ils soient les uns des autres->tout différents
    Les parents viendront les rejoindre leur progéniture->enlever le "les"
    Une fois ce délais écoulé->délai
    Anthonius fait partis de ceux là->partie, ceux-là
    la densité d’enfant au mètre carré augmente->enfants
    Parmi les végétaux, seuls trois espèces ->seules
    là où le vent à déposer ->a déposé
    leurs feuilles frémir au grée ->gré
    quand leurs fruits étaient murs ->mûrs
    qu’ils ne pourrissent pas à leur pieds.->leurs pieds
    les blagues les plus douteuse ->douteuses
    Les chênes, enfin, désiraient tout simplement faire parti->partie ("faire partie" mais "prendre parti")
    Ils s’expriment par de subtils mouvements des branche->subtiles, branches
    Certaines communauté ont des fougères en pot->communautés
    Avant que la communauté ne soit fondé->fondée
    Les hommes étaient méchant ->méchants
    il y avait un soucis ->souci
    le donneur et le receveur soient compatible->compatibles
    de nombreux malades mourraient ->mouraient

    3
    mikaroman Profil de mikaroman
    Lundi 19 Septembre 2011 à 22:14

    Merci pour ces corrections. Je vais essayer de faire plus attention. A une ou deux exceptions près j'aurais pu éviter ces fautes. Il faut que j'apprenne à les débusquer.

    Mode attentif ON

    Je me lance dans la vérification orthographique du chapitre suivant et je le met en ligne.

     

    4
    mikaroman Profil de mikaroman
    Mercredi 21 Septembre 2011 à 23:08

    La correction du chapitre suivant dure plus longtemps que prévu car j'y apporte encore quelques retouches. Par contre je me rend compte que j'ai le plus grand mal à voir les fautes. Quand je lis, je me laisse emporter par le sens de ce que j'ai écrit et la formulation, si bien que l'orthographe et la grammaire sont rapidement oubliés. Il va falloir que j'apprenne à réfléchir autrement si je veux réussir à écrire deux mots d'affilé sans fautes.

    5
    maelyspupuce
    Jeudi 27 Octobre 2011 à 21:28

    Bon tout d'abord pour les fautes, je ne saurai t'aider, je suis une spécialiste moi.

     

    Sinon je rejoins l'avis de Marquise, ce début semble très prometteur. Je l'ai trouvé vraiment bien. Un détail aussi que marquise t'as dis également, les enfants, certains sont issus de deux races différentes alors comment sont-ils ?

    Dès le début tu réussis à nous envoyer dans ton monde et je trouve ça génial.

    Je me demande de quoi il va retourner dans la suite de ton roman.

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